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L'autre jardin
29 novembre 2011

(un)dignité

 Allô ! Madame Chose, c'est le service de chirurgie ambulatoire. Je vous appelle pour savoir si vous allez bien ?

18 heures après ma sortie de l'hôpital : il est 13h. Je suis en train de manger avec zhom quand le téléphone sonne. En général c'est soit chéri chéri qui m'appelle du boulot, soit de la téléprospection. Je clopine vers le bigophone en ne pensant qu'à cette 2ème option forcément, et j'entends la voix d'une infirmière qui me demande de mes nouvelles. Je suis légèrement surprise vu comment s'est passé mon départ de l'hôpital hier soir. Mais bon, font leur boulot hein ! C'est écrit dans le PROTOCOLE et elle doit remplir mon dossier ! Que va-t-elle écrire exactement ???

La veille à 7h du mat : j'arrive pas très fraîche au service de chirurgie ambulatoire (1 journée à l'hôpital) pour une opération sous anesthésie générale de 2h. Je dois passer entre 8h et 11h. Il y a déjà 15 patients, et plus de place dans la salle d'attente ! Je m'installe dans le couloir et bouquine. 8h15 : j'intègre une chambre et une infirmière me briefe sur la suite. A mon tour de la briefer sur mon allaitement. Je lui demande que soient notés sur ma fiche tous les produits injectés car je dois appeler cet AM la pharmacovigilance pour décider de la suite : tétée en direct ou tire-lait ! Ayant allaité 6 mois, elle comprend l'importance de ma demande et me félicite. On se sent comme "jumelles" - trop cool. Ensuite je me prépare, je lis encore - chouette car en ce moment je n'y arrive plus - puis on vient me chercher. Mon lit se transforme en voiture et nous voilà partis pour le sous-sol vers la salle d'op. Il fait un froid de canard, on me glisse une couverture chaude et puis ???

13h30 : à nouveau dans ma chambre, j'ai conscience que tout est fini . A partir de cet instant, les choses vont, comment dire, légèrement se gâter. Le sentiment d'être la spectatrice d'une pièce à l'italienne, genre Comedia dell'Arte : tu ris, tu pleures. Durée du spectacle : 3h. Acteurs : 12 personnes. Rôles : définis sans être définis puisque personne ne se présente. Costumes : même tenue, une blouse blanche. Dialogues : Le minimum. C'est parti pour 3h de folie ! Pour s'annoncer ou sortir de scène tout le monde claque la porte de la chambre le plus fort possible. Message induit : interdiction de dormir, vous devez QUITTER LES LIEUX dans moins de 180 minutes ! C'est ce que je viens juste d'apprendre. Mon stomato (service en-dessous) m'avait dit que la sortie était vers 19h. Là on me dit que c'est 17h. - "Va falloir trouver une solution car nous on ferme". Ben moi je veux bien, mais mon mari ne peut pas venir plus tôt maintenant. Les mômes à gérer ... Ca commence bien, je suis dans leur colimateur ! Tire la gueule les actrices. Qu'est-ce que j'y peux moi si l'info ne passe pas entre services ! - Acte suivant : IMPOSSIBLE d'obtenir en 1 SEULE FOIS la liste des médocs injectés et prescrits, leur dosage, leur quantité, leur durée de traitement. J'ai du re-re-recontacter la pharmacovigilance pour leur donner la totalité des infos indispensables. Super adorable la fille. Comme d'hab avec eux. Des PROS. - 16h : un médecin passe entouré de 5 groupies. Il me parle comme à une demeurée de la suite des événements et me répète que je dois partir d'ici dans une heure. Aucune question de la famille : "Comment vous sentez-vous ?", "Avez-vous des inquiétudes particulières ?", "Comment vous êtes-vous organisée pour le retour à domicile ?". Non, il s'est tourné immédiatement vers ma voisine. Déduction personnelle : il prépare les JO de la tournée des chambres : moins d'une minute par patient ! -  16h30 : je me fais engueuler parce que je n'ai pas fait pipi et que si je ne fais pas, je ne pourrai pas sortir. Et qu'à nouveau j'emmerde tout le monde. Moi je veux bien mais j'ai bu 1/2 litre d'eau, et rien ; et personne ne m'a prévenue de cette condition, donc je n'ai pas redemandé d'eau. C'est pas sorcier d'informer le patient. Bilan : ils commencent à me faire chier. - 16h40 : 2 cas concrets de leur application terrain "la charte confidentialité du patient" ! Cas 1 : une aide soignante farfouille dans les affaires de ma voisine et sort à 1 mètre de mon nez sa petite culotte et son soutien-gorge en dentelle. Sympa les dessous !!! Cas 2 : une infirmière entre pour nous donner nos compte-rendu opératoire et ordonnance. Ma voisine ouvre son enveloppe et lit un doc. Puis elle se tourne vers moi et me tend le tout : - "C'est pour vous, moi je ne prends pas d'antibio ! Elle a échangé les papiers !" - 16h55 : je me débrouille pour aller aux toilettes - seule - histoire d'en finir. Je sonne pour prévenir de la libération urinaire, du lit, de la chambre mais pas du service. On me transfert juste en face dans la salle d'attente que je n'ai pu investir le matin. Je porte mon sac à dos sans aide - il y a à peine 6h, j'étais shootée au bloc - et je m'allonge de tout mon long sur THE banc en métal hyper moderne mais hypo confortable. La porte grande ouverte, la lumière éteinte, je vais enfin pouvoir récupérer de cette journée de chirurgie + quelques heures de sommeil en retard (4 ans de maternage, ça crève). Au cours de ces 2h, pas un humain n'est venu voir si tout allait bien, par contre j'ai pu entendre la chanson des bisounours en entier ! Sympa l'ambiance ici ! - 18h55 ! Tiens une tête passe par la porte : - "Nous vous transférons au service du dessous. Nous fermons celui-ci. Attendez-nous au bout du couloir, nous irons ensemble". Je sors de ma tanière et m'installe sur un autre banc quelques mètres plus loin. Je vois deux femmes en blouse blanches qui entrent dans une salle privée de change. L'une d'elle porte un sac en plastique contenant des restes de nos plateaux. Y'a pas de petit profit, hein ! Apprêtées en tenue de ville, elles me rejoignent et nous prenons silencieusement l'ascenseur. Je me regarde dans la glace. Il n'y en avait pas dans la chambre. Je viens d'être opérée d'une greffe osseuse des mâchoires. Je suis défigurée. Enflée. J'ai quelques traces de sang et aussi du noir sur le visage. Ma lèvre supérieure entre dans l'espace où plusieurs dents manquent. Je ressemble à une mamie de 90 ans, amochée par un accident. Parmi les 12 soignants qui m'ont vue, aucun ne m'a proposé de faire une toilette et de porter un masque chirurgicale pour masquer cette misère. Si eux pensent que je suis digne d'être regardée, moi je sens ma dignité mise à mal. Une bête de foire. Ce n'est pas moi ça ! Le coup de massue arrive à la sortie de l'ascenseur. Nous entrons dans le service de chirurgie maxillo-faciale. Une infirmière souriante vient à notre rencontre et me propose une chambre pour attendre tranquillement. Celle qui est à ma gauche lui répond froidement : "Ce n'est pas la peine, elle n'a besoin de rien, que de son mari". A vomir ce non respect humain . On m'a à nouveau proposé un banc. Cette fois, face à l'ascenseur. J'ai ressorti mon bouquin (je n'aurais jamais cru lire autant) et j'ai attendu patiemment ma p'tite famille. Mes zhoms auront ingurgité 100km aux heures d'embouteillage pour me ramener chez nous, si ce n'est pas de l'amourrrrrrrrrrrrrrrr !!!

Cyprès et branche horizontale

 

"Quand la rentabilité entre à l'hôpital, la dignité humaine en est chassée".

Voilà ce que j'aurais aimé dire à l'infirmière qui m'a appelée le lendemain midi. Je vais prendre le temps d'écrire à ce service de chirurgie ambulatoire pour laisser une trace. C'est la seule façon de faire bouger les choses. Et je sais que ça marche, car aussi grâce à mon témoignage, le service de chirurgie maxillo-faciale où je me suis faite opérer de la mâchoire il y a 5 ans, a recruté une psychologue peu de temps après mon passage. C'était juste un accompagnement indispensable pour les patients dont le visage est totalement modifié.

Parfois sortir des rangs, lutter, dire les choses fait que la dignité revient par petite touche !

 

crédit photo : D.R

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Commentaires
C
oui indigne... :-(((
G
ces gens ont été deshumanisés par leur métier <br /> comme on leur apprend pas a gérer les aspects humains dans leurs formations ils finissent par se blinder complètement et fonctionner en mode "zombie"
M
dommage que le texte soit pas assez aéré, c'était difficile à lire =)
L'autre jardin
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